Juliette Gallois
 
Juliette Gallois

Archiviste aux archives départementales des
Hauts-de-Seine

07/11/24

Pauline - Lors de la collecte d'archives, comment recueillez-vous des témoignages, sur quels critères ?

Juliette - Pour ces cas de figure, nous fonctionnons sous forme de commande. Nous faisons appel à un anthropologue. Nous déterminons des sujets qui nous intéressent, tel que l’immigration à Nanterre, par exemple, ou comment a-t-on vécu le covid dans un hôpital à Nanterre. Le seul cas inverse que l’on a connu c’est la tuerie de Nanterre. Pour ce cas de figure, la mairie a fait appel à une association qui a recueilli les témoignages sur la base du volontariat. La mairie a ensuite déposé au centre le résumé tapuscrit des témoignages.

Qui définit ces fameux sujets de collecte ?

 Ce sont différents acteurs qui font en réalité appel à nous. Au niveau national, par exemple, il y a des demandes de grandes collectes. Prenons l’exemple de la collecte de l’an passé sur le sport. Nous recevons cette demande, puis déterminons quels types de personnes interviewer. Ici par exemple : quels types de sportifs, ayant un lien avec le département, pourraient nous parler d’un aspect spécifique de leur activité. D’autres fois, ce sont les gens qui viennent directement nous donner des témoignages et des documents. Dans le cadre de la grande collecte nationale pour le centenaire de la première guerre mondiale, par exemple, des familles nous ont donné des archives écrites sur leurs ancêtres.

Vous m’avez dit faire appel à un anthropologue, est-ce qu’il participe aussi à la rédaction d’un plan, d’une stratégie permettant de définir le contenu ?

 C’est lui qui fait tout. En fait, nous lui passons commande. Nous disons par exemple que nous voulons tels types de témoignages, tel sujet, puis il va à la rencontre des personnes qu’il pense utile de rencontrer. Parfois nous connaissons des établissements permettant de faciliter le contact avec certains environnements, et nous le renvoyons vers eux pour aiguiller ses recherches. Mais il fait l’intégralité du travail, avec son raisonnement propre, à partir de notre cahier des charges.

Quand vous recueillez des témoignages, qui sont des récits de vie particulièrement sensibles, y à t'il une manière de les trier ?

  Non, ces documents sont traités comme les autres. On crée des entrées de dossier, triées par archive publique ou privée, et par date. On décrit ensuite brièvement le contenu pour aiguiller un futur chercheur lors de sa venue.

D’accord, il s’agit d’invitations à creuser.

Est-ce que vous avez des règles particulières à suivre, de neutralité par exemple, pour décrire ces objets ?


 Oui, il y a des règles à suivre. Il s’agit de renseigner des champs très précis sur le format, le conditionnement, l’auteur etc.

Très bien, mais pas de réglementation sur l’objectivité de vos comptes rendus donc.

Combien de temps conservez-vous des récits de vie ?

 Nous conservons toutes nos archives pour toujours, dans la plupart des cas. Seuls les dossiers de carrières, qui sont des dossiers administratifs mais aussi des récits de vie, sont éliminés au bout d’un certain temps.




Merci! Vous organisez aussi de petites expositions, à budget restreint, dans le hall du centre d'archives. Pourquoi le faire ?

 Nous voulons donner vie à nos archives, il est hors de question de les laisser enfermer pour toujours. Ces expositions nous servent aussi à présenter et mettre en valeur la richesse de notre font, pour les publics qui passent au centre d’archive.

Qui décide des thématiques ? À qui faites-vous appel pour rédiger ou scénographier les expositions ?

 Nous faisons tout tout seul.

Génial, peux-tu me décrire le fonctionnement de la conception à la réalisation ?

 Pour le thème, nous choisissons soit des sujets liés à l’actualité, comme le sport par exemple, ou alors à des fonds spécifiques. Nous avons, par exemple, fait une exposition sur l'hôpital de Nanterre, après avoir reçu des versements en masse. Mais nous répondons aussi aux demandes de la municipalité, nous avons par exemple réalisé une exposition sur les transports régionaux.

 Ensuite, il faut choisir les documents. La personne responsable du fond est mise à contribution pour définir le récit principal. Le service des publics se charge ensuite de l’identification des parties, puis chacun de mes collègues est mis à contribution pour la recherche de documents et la rédaction des contenus.

 Enfin, nous mettons toute l’exposition en place. C’est le travail d’une collègue chargée de l'accueil du public, qui depuis vingt ans fait toutes les expositions. Elle crée la scénographie à moindre coût, en utilisant les cadres et les vitrines du service, en agençant les documents dans l’espace et en créant une communication spécifique sur des kakémonos. Pour certains décors spécifiques, nous faisons appel au centre technique du département, qui n’est autre que le centre de restauration. Ils nous construisent des choses gratuitement. Pour l’exposition sur le théâtre des Amandiers de, par exemple, nous avons fait fabriquer une petite loge, en peu de temps, pour accompagner le propos.

Lorsque vous faites des choix de contenus, essayez-vous de respecter une proportion images/textes pour alléger le discours ?

 On essaie, oui, mais comme nous travaillons uniquement avec le fond d'archives, nous faisons principalement avec ce que nous avons.

Comment contextualisez-vous les témoignages que vous exposez ? Servent-ils à justifier un événement, ou sont-ils mis au centre du récit ?

 Nous ne pensons pas trop à ça, ils prennent une place différente selon les cas de figure. Comme nous travaillons uniquement avec des documents d’archive, nous ne décidons d’un discours qu’à partir des documents que nous avons à notre disposition. Nous construisons tout à partir de ça.

Quand vous réalisez une exposition, le parti pris est-il descriptif, ou parfois engagé ?

 Le département bride beaucoup de choses. En 2018, par exemple, nous faisions une exposition sur la Première Guerre mondiale, et le département a refusé le titre “ le département en guerre”. La communication est l’un des seuls blocages. Nous ne prenons pas beaucoup de risques dans la rédaction de contenu d’exposition.

Quels sont vos publics ?

 Nos publics sont principalement les personnes qui viennent au centre d'archives : les généalogistes professionnels, les chercheurs, les universitaires, mais aussi les scolaires. Les enseignants peuvent en fait réserver des créneaux de séances thématiques pour présenter des documents aux élèves. Le fait de faire une exposition dans le hall permet de capter ces publics pendant leur venue. Parfois certaines personnes viennent exclusivement pour ça. Lors de l’exposition avec l'hôpital de Nanterre, l’hôpital a communiqué l’exposition et de nombreuses personnes sont venues.

J’ai une dernière question, vos expositions sortent-elles du centre d’archives ?

 Oui, nous allons vers les publics qui ne peuvent pas sortir. Nous avons notamment mené un projet avec une artiste qui travaillait, en lien avec nous, à la maison de retraite de l'hôpital de Nanterre. Elle y faisait une résidence et travaillait sur le thème de la photo avec les résidents de la maison de retraite. Ils ont créé à partir de nos documents d’archives pour inspirer leur travail. Ils ont ensuite présenté une exposition à la maison de retraite, que nous avons co-créée avec eux. Pour ce cas de figure, nous avons prêté des fac similés.



Merci beaucoup !















Les archives départementales des Hauts-de-Seine













































































































Exemple d’exposition du hall.






















































Exemple d’exposition du hall.